Clara Daguin : quand la mode et la technologie se rencontrent

En brodant circuits, fils luminescents et capteurs sur ses vêtements, Clara Daguin marie mode et technologie et dévoile en même temps notre addiction à la connection.

Un parcours jalonné de détours

Repérée lors de la 31e édition du Festival International de Mode & de Photographie à Hyères en 2016, Clara Daguin est diplômée d’art graphique à l’université de San Francisco et d’un master en stylisme aux Arts Décoratifs de Paris. « J’ai fait beaucoup de peinture, puis des collages, de la photo et de la gravure, et finalement lors de mes premières études en art à San Francisco j’ai choisi le graphisme », évoque la jeune femme. « C’était une manière d’intégrer beaucoup de médias différents. Je ne comprenais pas à ce moment-là que la mode pouvait elle aussi exprimer des idées, que la conception d’une collection n’est finalement pas si éloignée d’une charte graphique ou d’une mise en page d’un livre. Quand j’ai compris, le vêtement est redevenu mon médium d’expression », poursuit-elle.

Ayant grandi au cœur de la Silicon Valley, la talentueuse créatrice a baigné dans les nouvelles technologies depuis son enfance. Elle cumule de riches expériences auprès des plus grandes maisons de mode, de Margiela, en passant par Alexander McQueen, ou encore Iris van Herpen, et développe ainsi une curiosité pour la technologie. Sa proximité avec de nombreuses entreprises technologiques, pour certaines les plus influentes au monde, a approfondi son besoin d’aspect artisanal et d’humain dans la conception de l’innovation. Aujourd’hui, dans un monde qui semble dominé par la technologie, l’artiste tient à préserver le savoir-faire manuel. « Il suffit de se poser sur un coin de rue cinq minutes pour apercevoir une armée de zombies marchant au ralenti en fixant leurs mains sur les portables. J’en suis coupable tout autant que d’autres mais quand on s’arrête un instant c’est bluffant. Cette infiltration est de plus en plus profonde. J’en ai l’expérience tous les jours pour des raisons médicales mais on devient tous indissociable de la technologie », constate-t-elle. « J’avais envie d’exprimer cette dépendance à la tech », affirme la créatrice.

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Le “Luminous interactive led dress” créé par Clara Daguin. © Clara Daguin

Symbiose entre le corps et la technologie

Utilisant la lumière comme une parure, les créations de Daguin mêlent visible et invisible, dévoilant délicatement des interactions subtiles avec le corps de celle qui les porte, ou encore avec son environnement : rythme cardiaque, niveaux de réseaux wifi… Pour créer ses pièces atypiques, la designeuse n’hésite pas à utiliser des fibres optiques, des LED ou encore des câbles informatiques. « Des capteurs wifi vont être intégrés par exemple à un manteau et vont s’allumer en fonction de la qualité du réseau qui environne la personne qui le porte. La nature même de ces matériaux parfois très rigides ou fragiles comme la fibre optique, nécessite des recherches sur les systèmes d’attache, sur l’intégration de tubes ou de câbles dans des broderies. La réalisation concrète des vêtements est donc complexe. Ça peut nécessiter plus de 600 heures de travail et de recherches », explique-t-elle. Dans sa démarche de recherche et de création, Clara Daguin n’oppose pas savoir-faire artisanal et innovation, mais au contraire, elle les fait cohabiter. Les perles s’associent à des capteurs de rythme cardiaque, les aiguilles de couturière à des pinces et des serre-câbles, et les broderies à des fils électro-luminescents. Au-delà de la prouesse technologique, l’exigence de la créatrice reste de proposer des vêtements qui soient beaux. « Pour moi les vêtements que j’ai réalisés ne sont surtout pas industriels. Tout est brodé à la main, les circuits sont fait de fil conducteur, les « uniformes », malgré leur technicité car soudés, sont tout de même assemblés à la main. Le temps accordé à chaque pièce relève de l’artisanat, même si par la suite, quelques étapes pourront être répétées à la chaîne pour exécuter plus vite », révèle-t-elle.

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Nicki Minaj porte un corset signé Clara Daguin. © Clara Daguin

Quand Paco Rabanne faisait défiler sa célèbre robe en métal en 1966, on devait très certainement penser qu’il s’agissait du summum de l’innovation, de la mode futuriste. Aujourd’hui, face à une génération plus que digitalisée, les limites à la nouveauté semblent s’effacer, et tout devient possible jusqu’à l’inimaginable. On se demande toutefois si le marché est suffisamment prêt à accueillir les technologies portables. « Le marché est déjà là, mais les vêtements doivent être portables et accessibles stylistiquement. Personne ou peu de gens ont envie de ressembler à un robot. Mais le coup de cœur vestimentaire ne tient pas compte de si la pièce est « tech » ou pas », confirme la créatrice. Il existe déjà des projets de futurs curriculums intégrant la mode et l’électronique, mais assez peu. Je pense que pour que ce domaine devienne intéressant et accessible il faut en même temps proposer des cours. Plus il y aura de projets Fashion Tech, mieux on pourra cerner ce créneau et faire évoluer les possibilités », conclue-t-elle.

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